« Un jour les rêves prendront leur revanche »
« La poésie est une arme chargée de futur » disait Gabriel Celaya.
“Elle a inventé le monde, mais le monde l’a oublié”, disait Yannis Ritsos.
« Où que me mène mon voyage la Grèce me blesse », disait Georges Seféris , prix Nobel de littérature .
Les poètes sont en exil. Comme ces Hommes-livres dans l’œuvre de science-fiction de Ray Bradbury « Fahrenheit 451 » qui ,dans la clandestinité, résistent en apprenant par cœur les chefs d’œuvre de littérature dans un monde où les livres sont brûlés.
Les poètes sont oubliés ; « ils portent le deuil du soleil et des années à venir sans eux ». Dans ce monde qui se rétrécit, soumis à une nouvelle barbarie celle de la ploutocratie, il nous faut interroger nos poètes pour retrouver la mémoire et l’utopie tout à la fois.
En quittant mon pays en 1970, j’étais une adolescente qui se réjouissait à l’idée de connaître des horizons nouveaux.
La Grèce était sous la dictature des colonels et c’est dans cet exil que j’ai appris ce que « les Ithaques signifient »*. Ma langue est devenue ma patrie. La seule qu’on ne pouvait pas m’enlever. Il m’était devenu vital de l’aimer, la cultiver et la défendre. Paradoxalement c’est en apprenant le français que j’ai pu redécouvrir la beauté de ma langue maternelle. La distance (géographique et culturelle) m’a permis de réentendre sa musique. Et quelle musique!
J’ai pris conscience que la nostalgie était faite de douleur (l’étymologie du mot le dit), mais que qu’il y avait une si belle « terre sur mes racines »
que les fleurs pouvaient enfin pousser.
Voilà pourquoi je me suis mis à chanter et à composer sur les mots de mes poètes. J’avais grandis avec eux et grâce à eux! Cette patrie personne ne pouvait me la confisquer. J’ai inscrit au plus profond de moi
les vers d’ Odysseus Elytis qui disait :
« J’ai habité un pays , surgissant de l’autre le vrai, tout comme le rêve surgit des événements de ma vie. Je l’ai aussi appeler Grèce , et l’ai tracé sur le papier pour le regarder. Il semblait tellement petit et insaisissable. (…)Mais il embaumait tant que j’ai pris peur. Alors je me suis mis , petit à petit, à broder des mots comme des pierres précieuses , pour couvrir le pays que j’aimais. »
Aujourd’hui mon pays est humilié. Et il n’est pas le seul. Il y a des jours où je me sens découragée , impuissante face à tant de malheur. La tentation de se taire est grande. Mais « la réalité quelques fois désaltère l’espérance. C’est pourquoi, contre toute attente, l’espérance survit. »
Ces mots sont de René Char . La parole poétique est aussi et avant tout une parole politique et prophétique. Aussi indispensable que le pain.
Alors l’espoir revient comme « un chant de maquisard dans la forêt des aromates »**
Angélique Ionatos