« En tant que compositeur je sens ta voix pénétrer aux coins les plus secrets de ma musique. Et cela – je pense – constitue la quintessence de la communication et de la re-création. » Lettre de Mikis Theodorakis à Angélique Ionatos, le 7 novembre 1994
La complicité d’Angélique Ionatos et de Christian Boissel d’une part, celle de Mikis Théodorakis et de Christian Boissel d’autre part, ont été l’occasion pour Angélique Ionatos de rendre par deux fois, un hommage à cet immense
compositeur qu’est Théodorakis avec « Mia Thalassa » et « Le Sanglot des Anges ».
Pour Angélique lonatos qui a craqué devant le romantisme de ces petits joyaux musicaux qu’étaient “Mia Thalassa” (1994), c’était avec « Le Sanglot des anges» (1999), l’occasion d’un nouveau récital consacré à Theodorakis. Conçus comme une suite de lieder très purs, ces chants font partie – comme Mia Thalassa – d’une tétralogie intitulée « La Larme à quatre feuilles ».
« Le Sanglot des Anges » s’offre comme un moment intense où s’entremêlent chants profonds, denses, chants d’amour, chants de blessure et de liberté, message d’espoir où la voix s’élève au-dessus des pins, des îles et des humains, où les nuits embaument le jasmin, où la vérité se dit au printemps, où les mots magnifient la musique, où les voyelles sonnent et les consonnes voient.
« Mia Thalassa », œuvre inédite de Mikis Theodorakis, est un versant moins connu de ce compositeur dont l’œuvre immense ne saurait être cantonnée à la seule musique du film Z ou La Ballade de Mauthausen qui firent sa renommée en France. Subtilement orchestrée par Christian Boissel, également artisan de cette magistrale rencontre grecque, Mia Thalassa nous révèle un Mikis Theodorakis tout pétri de lyrisme, dont les mélodies épousent parfaitement celui de Dimitra Manda, auteur contemporain, mais cependant sœur cadette de Sappho par un univers poétique qui use de ces mêmes matériaux que sont la nature et l’amour.
«Ces quatre cycles, explique Theodorakis, ont pour dénominateur commun l’adoration de la nature grecque, et particulièrement de la mer grecque. Leur poésie est onirique. Elle s’adresse à notre inconscient lyrique fait de sensibilité et de mémoire. Elle permet de nous évader de la quotidienneté ».
Le maître de musique. Entre Angélique lonatos et Mikis Theodorakis, c’est affaire d’identité de racines qui colorent pareillement leurs musiques. Ils ont une commune manière d’être dans le présent du temps sans renier la tradition, d’allier le savant et le populaire. Tous deux, il est vrai, sont du pays où s’invente la poésie. Depuis l’antique tradition des Aèdes, depuis Homère, le poète et le musicien sont les passeurs d’histoires, et de l’Histolre. Parce que « la poésie grecque porte en filigrane la musique et qu’elle est une suggestion permanente pour un compositeur » l’un et l’autre puisent à la source des poètes contemporains leur inspiration. Au-delà du terreau commun, ce qui lie le compositeur à son interprète du « Sanglot des anges » est de l’ordre de la filiation. Elle s’explique par rebonds. Mikis Theodorakis n’avait pas achevé ses études au Conservatoire que, déjà, l’élève d’Olivier Messiaen manifestait son désir d’écrire une musique « enracinée dans !’Antiquité au temps où vingt mille Grecs discutaient à Epidaure des tragédies qui leur étaient proposées ».
Dominique Darzacq