Des chemins buissonniers
Avec ce nouveau spectacle, Angélique lonatos a voulu faire partager le plaisir et la jubilation de chanter en faisant cadeau de chansons qu’elle aime depuis toujours et qu’elle offre comme une promenade vagabonde dans un répertoire insolite où elle réserve quelques jolies surprises.
Nomade et fidèle, cette Grecque, décidément, est une gitane exigeante, rieuse, une crâne saltimbanque, une aventureuse qui aime à voyager d’un univers à l’autre avec pour seul guide le plaisir de chanter. Ce plaisir-là nourrit la musicienne et l’interprète. Une gémellité dont elle se départit parfois au profit d’une seule part d’elle-même, frustrant chaque fois un peu l’autre.
Parce que ces dernières années, « la compositrice avait pris le pas sur la chanteuse », Angélique lonatos a voulu retrouver l’interprète en entier et après « Parole de Juillet », élégie pour voix et petit ensemble instrumental, « renouer avec une forme de récital simple, légère et néanmoins instrumentalement très élaborée».
C’est donc pour nouer ensemble la jubilation de jouer de la guitare et de chanter accompagnée par Henri Agnel, qu’est née « Chansons nomades », qu’elle nomme aussi, et avec justesse, Récréation.
Puisqu’il s’agit autant de nouvelles créations que de nous faire partager le bonheur d’une mirobolante promenade buissonnière avec des détours « par des chants traditionnels que la Grèce contemporaine fredonne encore dans les campagnes, des chants gitans, des chansons d’avant-guerre que ma mère chantait à la petite fille que j’étais. » On y croisera ainsi une berceuse flamenca, des chants judéo-espagnols auxquels s’ajoute une trilogie sur les gens du voyage, Gianni Esposito (Le Clown), Jean-Roger Caussimon (Le Funambule) et Savvopoulos (Le Singe).
Angélique Ionatos, avec « Chansons Nomades », nous invite musarder à sa suite en compagnie des gens qu’elle aime, qui l’ont inspirée ou qui furent ses références et ses phares tel l’Argentin Atahualpa Yupanqui. « Pendant dix ans, j’ai chanté seule avec ma guitare, le chemin était rude et parfois j’ai douté. Jusqu’au jour où j’ai vu l’immense Atahualpa Yupanqui chanter seul sur une scène, avec sa guitare. Ce jour-là, il m’a confortée dans l’idée que l’on pouvait émouvoir le public avec seulement sa voix et sa guitare. Il fut pour moi un modèle et un maître. »
En grec, en espagnol, en français, d’hommage en surprise, de Péloponnèse en Pirée, Chansons nomades est une broderie musicale chatoyante et bigarrée tissée de la complicité qui soude la chanteuse Angélique lonatos à l’accompagnateur Henri Agnel, sur le même terreau méditerranéen, une commune manière d’envisager la musique ont, depuis Sappho de Mytilène, forgé une connivence musicale doublée d’une solide amitié.
Par la simplicité de sa forme, « Chansons Nomades », s’offre comme une réplique des anciens« salons de musique ». Rien d’austère là-dedans, bien au contraire. Ce format-là s’avère un fabuleux espace de liberté et de proximité dans lequel le spectateur est complice. Car c’est bien pour lui, le public, que les artistes osent s’exhiber. Le spectacle vivant est art du partage et c’est cela qu’Angélique lonatos aime, faire partager au public ses plaisirs, ses découvertes, ses passions, et chaque fois, pour le faire, elle s’habille le cœur comme si c’était la première fois. C’est la raison pour laquelle elle ne cesse de nous surprendre et nous met, comme on dit, dans sa poche. Cette diablesse au doigté andalou sait à merveille nous rappeler que la guitare est née arabe et s’avère une fois encore une magistrale interprète à la voix tissées d’or et de soie, avec à ses côtés « ce virtuose sensible, qu’est Henri Agnel, improvisateur inspiré, attentif et aimant. En un mot, généreux. »
Dominique Darzacq