Sappho de Mytilène

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La création en 1991 de Sappho de Mytilène, au Théâtre de Sartrouville, puis au Théâtre des Bouffes du Nord, suivie d’une longue tournée de plusieurs années, a fait également l’objet d’un enregistrement, salué unanimement par la presse et distingué du Grand Prix de l’Académie Charles-Cros.

Sappho, si lointaine et si proche

Odysseus Elytis a consacré un magnifique livre à cette poétesse légendaire que fut Sappho, réalisant un travail d’orfèvre dans la recomposition des fragments qui nous sont parvenus et dans leur traduction en grec moderne. Ce livre je l’ai découvert un automne à Athènes. Sur la page de gauche le texte original (en grec ancien) sur la page de droite la traduction en grec moderne. Le lendemain j’ai rendu visite à Odysseus Elytis et mi-rieuse, mi-sérieuse, je lui ai fait part de mon désir de commencer à composer sur une autre poésie que la sienne, peut-être une poésie de femme. Sur le même ton, il m’a répondu “  et pourquoi pas elle. Elle a des poèmes qui peuvent inspirer un compositeur ”. Ce que je ne savais pas alors c’est qu’à l’époque de Sappho la poésie était toujours chantée.  J’ai donc commencé à lire Sappho. Je l’ai lu à haute voix, dans ce grec ancien que j’avais appris au collège, et j’ai été éblouie par la musicalité du texte. Bien plus frappante encore que dans la traduction.

Au lieu de me sentir étrangère à cette émotion d’une langue dite “ morte ” je me suis sentie comme chez moi. Comme si je marchais sur un territoire déjà connu. Une odeur que j’aurais oubliée, enfouie dans ma prime jeunesse – et qui venait m’inonder de sa familiarité. Un chant ancien à jamais inscrit dans ma mémoire. J’étais à la fois étrangère et membre de la famille.

Il m’a paru évident qu’il fallait que je compose non seulement sur la traduction d’Elytis mais aussi – ou surtout – sur les fragments originaux de Sappho.

Le temps a anéanti les neuf dixièmes de son œuvre. Sont parvenus jusqu’à nous des fragments, des mots casés, un rien. Et de ce rien naît un miracle : une personnalité exceptionnelle. Une femme qui a inventé une nouvelle forme de poésie avec sa propre métrique, sa versification originale, son vocabulaire. Mais son audace ne s’est pas arrêtée là. A un moment où la poésie était essentiellement religieuse ou épique, Sappho ose dire “ je ”. Elle amène les sentiments et les rêves au premier plan, elle ose parler de sa vie personnelle, de ses peines, de ses amours, de la vieillesse.

Avec Sappho, la mer Egée a vu naître le premier poète lyrique de notre civilisation.

Chaque chant est court comme le sont les poèmes de Sappho. La musique qu’ils m’ont inspirée est polychrome comme ces statues grecques qu’on a longtemps cru de marbre blanc alors qu’elles étaient colorées et peintes. Les vers de Sappho m’ont obligée à marcher sur un chemin nouveau de la composition musicale : simple, comme spontanée, où la mélodie a pris le pas sur l’harmonie.

Dès le début j’ai pensé que deux voix de femmes ainsi qu’à un petit ensemble instrumental composé essentiellement de cordes pincées et frottées, percussions et clarinette. A la création en 1991, Nena Venetsanou était à mes côtés, sa voix inoubliable reste gravée sur l’album que nous avons enregistré ensemble. En 2007,  j’ai eu le bonheur  de partager la scène et de faire découvrir au public la jeune chanteuse et magnifique musicienne qu’est  Katerina Fotinaki. C’est elle qui m’a donné l’envie de remonter ce spectacle et je lui en suis reconnaissante.  Angélique Ionatos